D’autres questions viennent également à se poser...
Le peintre réalise physiquement son tableau en un temps, alors que le compositeur de musique écrit une partition, qui sera ensuite interprétée dans un deuxième temps et ce sont les interprétations qui révéleront l’œuvre terminée. La peinture est un art à une phase (conception et création physique de l’œuvre) alors que la musique est un art à deux temps (partition et exécution), comme l’architecture ou le design (projet et réalisation).
Comment situer le tirage numérique entre création originale et interprétation ?
Le parallèle avec la partition, pose la question de l'original, (fichier source ou tirage signé ?) et également celle de la conservation. Là où la matrice analogique, (plaque de cuivre ou pierre litho), n’était considérée que comme une étape technique intermédiaire, le fichier deviendrait-il une matrice originale à sauvegarder, pour d’éventuels retirages ou variations à venir ? Ainsi, va t’on restaurer les épreuves imprimées ou plutôt s’orienter vers des retirages ultérieurs d’après les fichers originaux, avec les possibilités de ré-interprétation et de variations à partir du fichier original ?
Le numérique, avec sa précision sans cesse améliorée, va désormais au-delà de la perception de l’œil humain et permet l’obtention de contretypes quasi-parfaits. Cela en devient troublant, un phénomène «Lascaux 2», celui d'une copie qui restitue la sensation du réel. Un concept de reproduction mais avec l'intensité d'un geste original.
On revient ainsi à l’une des vocations premières de l’estampe, un art imprimé pour la diffusion, comparable à l’enregistrement pour la musique.
Mais à nouveau il reste essentiel de distinguer l’estampe originale, c’est à dire conçue et créée spécifiquement par son auteur et l'estampe de reproduction.
Le numérique offre de nouveaux moyens et de nouveaux champs d'explorations et c'est toujours l'acte de création et sa conception originale qui en font une œuvre originale imprimée.
Franck Bordas, extrait d'une lecture pour Étapes Graphiques à l'École d'Art de Lorient, mars 2012